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6 novembre 2016
J’ai toujours été partagée entre l’intérêt des relations interculturelles pour l’ouverture qu’elles donnent et l’agacement que peut provoquer parfois la difficulté à se faire comprendre. Incapacité qui a autant à voir avec la langue qu’avec la formulation des idées et la forme du débat. En travaillant à produire des programmes tenant compte des interférences de la culture dans les relations professionnelles (et notamment la négociation), je me suis rendue compte que l’un des plus grands écueils – notamment pour nous français – est de vouloir convaincre nos interlocuteurs du bien fondé de notre vision du monde.
Par cette attitude, dictée par notre amour immodéré du débat, nous signifions que nous avons travaillé, préparé, imaginé avec la plus grande acuité la solution que nous proposons ou le projet que nous voulons réaliser. Nous sommes convaincus de la justesse de nos analyses et nous avons à cœur d’en partager les résultats. Nous sommes empreints de l’exigence d’accomplir dans la vente ou l’achat un acte de foi qui scellera la relation entre nous et notre client ou notre fournisseur, selon le cas. Parce que le lien prime pour nous, nous avons besoin de nous mettre d’accord autant sur le contenu que sur la manière. Nous recherchons l’assentiment.
Quelle n’est pas notre déception alors de rencontrer parfois des individus qui considèrent la vente ou l’achat comme un échange de biens ou de services ? Ce qui est somme toute le cas. Et nombreuses sont les cultures dans le monde qui n’ont pas besoin de sceller la relation pour réaliser l’échange. Leurs représentants sont centrés sur les faits, les résultats, les données objectives et les preuves matérielles. La bel ouvrage argumentaire ne fait pas partie des enjeux de la négociation.
Alors que faire ? Faut-il renoncer à ce qui fait, en partie, le plaisir de la négociation : créer le lien ?
Sans doute non, car nous pouvons offrir à nos clients ou nos fournisseurs qui le souhaitent de découvrir le plaisir du débat. Nous pouvons aussi considérer que les liens professionnels ne nécessitent pas tous un engagement total des individus.
Il me semble donc bon, pour ma part, de vérifier au préalable de toute négociation ce qui fait sens pour chacun, les points d’appui objectifs sur lesquels porteront les enjeux de l’exercice, la valeur réelle et les bénéfices matériels ou symboliques attendus.
Alors ensuite, nous pourrons prendre plaisir à proposer le lien – en envisageant l’éventualité qu’il ne soit pas accepté par l’autre. Car ce qui fait le succès des négociations interculturelles est plus à explorer du côté de la recherche et de la satisfaction d’intérêts matériels et symboliques communs. Pour ce faire, il faut renoncer à se battre sur le terrain des différences et chercher les zones de construction.
Renoncer aux différences culturelles pour aller vers ce qui nous unit dans la négociation ne signifie pas oublier la différenciation. Cette dernière comprenant des éléments objectifs et subjectifs, il est essentiel de vérifier la validité et l’acceptabilité de ces éléments au regard de la culture de celui qui les reçoit. Le travail sur les fondamentaux de la différenciation est à mon sens un bon moyen de se centrer sur la définition de la zone de compromis préalable à la réalisation de l’accord.