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15 avril 2020
La survie d’un groupe humain est déterminée par son degré de cohésion, soit l’énergie investie par ses membres pour maintenir l’existence du groupe.
Si je ne ressens plus le besoin d’appartenir à ce groupe, je désinvestis. Si nous sommes nombreux à désinvestir, le groupe disparaît.
Si je ne perçois même plus la valeur ajoutée du groupe humain auquel j’appartiens, je le méprise. Si le mépris du collectif guide les choix des leaders, le groupe disparaîtra d’une manière ou d’une autre, faute de cohésion … et à la surprise des méprisants.
La question de la cohésion est particulièrement posée aujourd’hui par cette crise sanitaire et bientôt économique, laissant présager, en rebond, une crise sociale.
Ce premier moment de la crise nous confronte à la mort possible. Nous sommes touchés dans notre chair ; certains sont renvoyés à des deuils actuels ou anciens. Cette boucle des deuils (faits ou non) interroge sur le sens de ce que nous vivons, avons envie de vivre ou refuserons de vivre demain. Elle pose notre rapport à l’ardente nécessité de l’autre dans nos vies, de l’altérité en général. Car c’est dans la relation (positive ou négative) que nous nous construisons ; c’est l’absence de l’autre qui génère le manque d’un soi en construction permanente.
Notre capacité à faire lien sainement est à l’épreuve ; durement pour certains enfants et certaines femmes qui subissent des violences physiques et morales plus fortes encore, parfois mortelles.
La cohésion est travaillée dans nos familles, dans les organisations, comme au niveau de la Nation.
Face à la peur et l’incertitude, il est tentant de convoquer le jugement. Nous attendions telle attitude et elle ne vient pas. Nous espérions telle posture morale et nous constatons l’inverse. Nous attendions que notre monde relationnel garde son équilibre, … comme si de rien n’était.
Et c’est impossible. Chacun d’entre-nous, consciemment ou non a commencé à bouger, dès le premier jour de confinement, dès l’effondrement de « sa vie normale ».
Hors la survie, la cohésion devient l’enjeu présent et futur par excellence.
Comment allons-nous renouer avec l’altérité après ce confinement ? Avec l’envie de plus de liens ? Avec la peur de l’autre, contaminé/contaminant ? Depuis quand ? Pour combien de temps ?
La perpétuation nécessaire des gestes barrières, comme la surveillance médicale vont profondément recomposer nos relations, au moins d’un point de vue physique et géographique. Notre proximité et notre mobilité vont rester probablement limitées dans les prochains mois.
Alors pour nos familles, nos groupes d’amis, notre entreprise, notre Nation, et la communauté humaine s’égrainera le chapelet des questions de cohésion. Quel est et quel sera notre but commun ? Quelles sont nos valeurs ? Quelles sont nos ressources essentielles ? A quoi (quelle société) voulons-nous contribuer ? Qu’est-ce qui fait sens dans notre alliance aujourd’hui et pourra se maintenir demain en toute cohérence ?
Et tant d’autres interrogations qui vous traversent en tant que parent, professionnel, membre d’association de toute nature. Car tous nos rôles sociaux sont et seront questionnés, comme notre manière d’investir dans tous les collectifs de notre vie.
De cette crise naîtra peut-être un nouveau monde comme d’aucun l’espère ardemment et avec foi en l’Homme.
Peut-être simplement que les gentils seront plus gentils et les autres … resteront … les autres.
La crise sanitaire conduira-t-elle certains d’entre nous à une crise morale voire spirituelle ?
Ce qui m’apparaît certain, c’est que personne ne fera l’économie d’un examen des conditions du « vivre ensemble » auxquelles il souhaite contribuer. Cela prendra des formes diverses selon nos appétences pour la pensée, l’émotion et/ou l’action, nos conditions de vie, nos ressources internes et externes, notre proche environnement. Mais la question du but commun est posée.
Quand la mort de masse s’invite au banquet de notre société mondialisée, nous ne pouvons pas fuir la table.