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13 décembre 2017
Les émissions et les ouvrages sur le bonheur au travail se multiplient depuis quelques années et les attentes en la matière font monter les exigences des collaborateurs dans la relation managériale. Les programmes de bien-être succèdent aux programmes de santé dans l’entreprise, la salle de méditation à la salle de sport.
Comment ne pas être pris dans cet affolement médiatique ? De quoi parle cette nouvelle exigence assignée au travail en lieu et place de sa fonction nourricière première ?
Pour les philosophes et les sages, le plaisir est un instant forcément fugace, généré par un ou des évènements qui nous sont extérieurs. Le bonheur lui, est un état durable, fruit d’un travail, d’une volonté, d’un effort (la recherche d’une vie !).
Donc lier, voire utiliser de manière interchangeable, plaisir et bonheur dans le travail relève d’une gymnastique intellectuelle pour le moins paradoxale vis à vis du travail.
Demander du plaisir, voire exigence suprême, du bonheur (!) dans le travail me paraît donc passablement démesuré.
Le bonheur n’est pas un sous produit du travail.
Nous travaillons en premier lieu pour des raisons matérielles et triviales, (mais oh combien légitimes !) : vivre, faire vivre notre famille, donner à nos enfants un bon départ, …
Le travail possède également une fonction sociale intégrative importante qui nous permet d’exister en tant que membre du corps social, d’apporter une contribution (quelle qu’elle soit) au monde dans lequel nous vivons.
Etre « au travail » nous permet aussi de développer des compétences et d’enrichir notre « habileté » à être tout simplement.
Il est donc possible d’apprécier (voire d’aimer) son travail et par conséquent d’y connaître des moments de satisfaction. Dans ces moments là, nous connaissons la joie, plutôt que le bonheur.
Joie, … après plaisir et bonheur, … est-ce pertinent d’introduire une nouvelle nuance dans le débat ?
Comme le plaisir, la joie est fugace, mais en revanche, elle dépend de la volonté de chacun (comme le bonheur). Je peux décider d’être dans cet état d’esprit d’ouverture particulier qui permet une présence réelle à l’instant, l’attention à soi, à l’autre, à la situation. Un état dans lequel je stoppe les ruminations sur le passé et les attentes irrépressibles d’avenir. Un état ancré dans l’instant.
A partir de cet état, je peux repérer au quotidien ces moments de grâce dans le travail où je suis satisfait, où ce que je vis nourrit mes besoins les plus simples comme les plus profonds. C’est de cette satisfaction perçue au quotidien que nait la joie d’être au travail. Elle procède à la fois de l’observation, mais encore de l’expérience de toutes nos situations de travail. En procédant ainsi, au fur et à mesure, nous sommes en mesure de déterminer ce qui est bon pour nous et notre contribution la plus efficace et personnelle dans un collectif.
Si les moments de joie dominent mon présent professionnel, alors je peux les savourer. Si ce n’est pas ou plus le cas, alors je peux me mettre en route pour trouver une autre manière de contribuer ici ou dans une autre organisation.
Cette conclusion peut effrayer dans un monde où le plein emploi ne règne pas. Toutefois, prendre conscience de ses besoins professionnels à temps permet de construire une stratégie de reconversion ou de changement en lien réel avec ses besoins et non plus dans l’urgence de la rupture proche pour soi ou pour l’organisation.