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26 mars 2020
Que l’on soit confiné chez soi ou habilité à se rendre sur son lieu de travail, nous vivons tous un grand enfermement.
Bien entendu, les conditions matérielles importent et chaque confinement ne se vaut pas. Il en est de même de chaque poste de travail ouvert aujourd’hui, avec sa plus ou moins forte protection, ses plus ou moins nombreux contacts avec l’extérieur.
Le confinement n’aplanit pas les inégalités, … voire les exacerbe.
Mais que l’on soit dehors ou que l’on soit dedans, nous sommes appelés à une forme de réclusion qu’on ne peut, par essence, décrire de manière universelle.
Parce que les évènements, les informations du moment entrent en résonance avec notre monde intérieur, notre vécu de la situation est profondément subjectif.
Ce monde intérieur que nous avons construit au fil de notre vie, dans nos échanges permanents avec le monde extérieur est le filtre qui rend notre expérience de la situation si unique, presque indicible. Nous pouvons le constater au sein même de nos cellules familiales. Cela peut donner lieu d’ailleurs à des discussions, … des controverses, … des conflits. Nous n’appréhendons pas la réalité de la même manière.
Le confinement renforce cette confrontation entre le dehors si perturbé, parfois effrayant et ce « dedans de nous » construit sur la base d’une vie libre de mouvements. Le cadre même de notre monde intérieur est tout à coup remis en question.
Peu d’entre nous ont connu ces moments radicaux où « tout s’arrête !». Ils sont en ce moment sollicités par les média pour venir partager leur expérience. Mais peut-on vraiment apprendre du récit de la réclusion d’un autre ?
Si l’on peut objectiver nos compétences cérébrales, nous ne pouvons pas modéliser la manière dont nos psychismes respectifs vont évaluer ce temps de confinement, ni maintenant, ni dans la durée.
Certains éprouvent de la culpabilité d’être chez eux quand leurs collègues sont « au front », ressentant une sorte de malaise lié à une forme d’inutilité sociale temporaire.
D’autres cultivent leur jardin au sens propre, comme au figuré.
J’en connais qui ne décolèrent pas de se trouver cloîtrés en bonne santé.
D’autres font la morale à tous ces gens bien installés chez eux qui se plaignent.
La plupart saluent les mesures barrières, mais « ce n’est pas assez ».
Puis on s’inquiète aussi des libertés individuelles.
Nous commentons (jugeons ?) les choix, les comportements des uns et des autres, en s’interrogeant au fond de soi sur ce qu’il faudrait réellement faire pour être utile.
La liste pourrait se poursuivre, et nous aurons d’autres surprises, nous développerons d’autres aptitudes, d’autres comportements, d’autres émotions au fil du temps.
Enfant, je jouais à 1, 2, 3 soleil. J’aimais cette sorte d’excitation à patienter en équilibre entre deux périodes de course effrénée à la conquête de l’espace de jeu. J’aimais ce moment de suspension…
Dans ce grand enfermement, je tente de me reconnecter à l’enfant qui acceptait de suspendre sa course, pour le plaisir de recommencer à courir ? La course en sera alors peut-être plus belle, plus riche d’émotions, de sens, de présence à soi et au monde.